Barcelona Alta, Colombie

(en)

J’ai eu l’occasion de voir « À fond » dans le bus menant à Armenia et si le film ne mérite pas tellement de s’étendre sur le sujet, entendre André Dussolier parler espagnol était amusant.

J’avais prévu de rester entre deux semaines et un mois à travailler avec Futuro con Futuro, une ONG qui fait ce qu’elle peut pour amener les autochtones à développer leur apprentissage, leur vie avec et leur amour de la nature. J’ai fini par rester quarante‑trois nuits et partir était difficile.

Quarante‑trois longues nuits de sommeil. J’ai dormi comme je ne me souviens pas avoir jamais dormi. Ça m’aura été bénéfique de plusieurs manières.

Une de mes tâches là‑bas était de mettre à jour le site web basé sur Worpdress, laquelle je traiterais différemment s’il y a une autre fois. Les autres travaux allaient de débroussailler, cueillir, décortiquer, torréfier et moudre du café, à préparer le sol pour y planter des «  frijoles  » (haricots rouges) en déterrant des racines et autres mauvaises herbes. Chaque volontaire là‑bas se voyait également assigné une tâche ménagère chaque jour dans la maison où nous logions (Casa Nuestra), allant de préparer le petit‑déjeuner, déjeuner ou dîner, à nettoyer sols et toilettes ou arroser les plantes. Je n’ai pas souvenir d’avoir vraiment préparer le petit‑déjeuner (ou alors l’éventuel pain perdu un peu trop écrasé… ;)), mais ce dont je suis certain, c’est cette nouvelle passion pour les gâteaux, tartes et pains, avec ou sans yaourt, avec ou sans chocolat (en dedans ou en dehors), avec ou sans banane ou noix et fruits secs, avec ou sans aguapanela (autre pays, autres mœurs)…

Le moment était également parfait pour tester un sujet de discussion, que nous avions eu avec ma sœur dans le passé, sur se laver et l’équilibre bactérien du corps humain. Un orage particulièrement intense aura eu raison du nœud de distribution principal alimentant en eau les communes environnantes, et nous avons donc dû passer une semaine sans eau, et ironie du sort, que ce soit des tuyaux ou du ciel, ne nous autorisant pas non plus de récolter de l’eau de pluie.

Le résultat n’aura pas été si horrible, même si j’ai repris aussi vite que possible l’habitude de me doucher avec du savon. Changer de vêtement régulièrement, et la quasi absence de travail de force pour moi cette semaine aura probablement aidé un peu à conserver une certaine dignité olfactive.

Nous avons également passé quelques soirées à regarder films et documentaires, avec «  The man from Earth  », «  Zapatistas, crónica de una rebelión  », «  Por mis pistolas  », «  Matrix  », «  Spider-Man Homecoming  », «  Annihilation  », «  USS Calister  » et «  Dr. Horrible’s Sing-Along Blog  » (fantastique  !) dans le dortoir, avec «  super Sebas  » et ses surprises  : Pop‑corn ou gâteau de Chocolo  !

Je ne me souviens plus exactement comment nous avons fini par parler de ça après «  Spider-Man Homecoming  », mais j’ai vraiment apprécié cette conversation avec Craig à propos des réactions face à un conflit, avec «  Opposition  » à l’Ouest et «  Convolution  » à l’Est. Son «  humble confiance en soi  » exprimait tout à fait l’idée. :)

Parmi tous les bénévoles, il devait y avoir une fille qui me ferait tourner la tête, n’est‑ce pas  ? Effectivement. Nous aurons apprécié ce que nous aurons pu dans ce contexte communautaire pendant que cela durait, malgré ma (nos  ?) confusion sentimentale. Peut‑être dans un contexte différent avec un esprit et des sentiments plus clairs  ; je ne suis encore pas tout à fait sorti de l’auberge, visiblement.

Casa Nuestra était une sorte de paradis terrestre où nous pouvions observer la pluie venir de loin, admirer les magnifiques couchers de soleils depuis le balcon ou, pour les plus aventureux d’entre nous, depuis un chemin de crête alentours. Les jours où le ciel était peuplé de trop de nuages étaient dédiés aux éclairs nocturnes dans le lointain  ; chaos céleste silencieux.

Les rivières proches de la maison se sont avérées à la fois agréables pour s’y promener et s’y baigner ou simplement regarder passer les flots et discuter, et utiles lors de notre semaine aride. Quelques compagnons d’autres races avaient pour habitude de nous suivre pendant ces petites excursions. Les chiens (Lucas, Guardian & Dana) et les chats (Pepe & Jerónimo de los Andes) faisaient souvent partie du voyage malgré le chemin du retour à la maison, particulièrement raide pour Lucas et Andes.

J’ai pu redécouvrir que les poules aiment dormir en hauteur. Elles me surprenaient à chaque fois que je me rendais aux toilettes sèches la nuit, et que je les voyais perchées sur l’arbre, avec cette lumière blafarde de ma frontale, digne du «  Projet Blair Witch  ».

Quelques animaux d’apparence un peu moins amicale occupaient aussi la maison  : scorpions (dont la piqûre ne donnait rien de bien plaisant, d’après les informations que j’ai pu obtenir), serpents et araignées. Je rangeais mes chaussures à l’envers et en hauteur.


Le travail se passait également dans des fincas, qui donnait lieu à des doigts qui saignent lorsqu’ils rencontraient des tessons de bouteille pendant que nous débroussaillions les plants de café, des ampoules après avoir coupé du bois à la hache pour chauffer les poêles, tomber sur des pentes boueuses à cause de la poule en remontant des bambous et, le plus important, la récompense de voir les plantes pousser et la nature partager ses fruits au final.

Être raccompagnés vers Casa Nuestra la nuit nous permettait aussi de scruter les étoiles, sentir la chaleur humaine et les gens de s’émerveiller des collines remplies de vers luisants, nous offrant un incroyable spectacle pyrotechnique, ou à sourire et rire simplement parce que la journée était bonne, comme n’importe quelle journée passée à la finca du Taita.

En parlant du Taita, je me souviendrai de cette discussion avec Nena et lui à propos d’Interstellar et le fait que l’amour pourrait bien être la dernière découverte qui pourrait expliquer des choses que nous ne pouvons pas encore comprendre (Merci à Fred pour avoir partagé ses pensées sur le sujet quelques temps auparavant à Bogotá)).

Tellement de choses vécues là‑bas en un temps si court, dont les trois bassines de «  hierbas aromáticas  » froides avant de commencer quoi que ce soit, mais aussi quelques expériences moins plaisantes. Chimú aura été la pire pour moi.

Le Chimú est une pâte de tabac raffiné qui se laisse dissoudre au niveau de la gencive. Il a pour but de purifier les énergies et préparer aux activités physiques. La première fois ne m’aura fait aucun effet, si ce n’est le goût déplaisant, et il semble que je n’ai principalement bénéficié que du côté toxique les fois suivantes. Le simple fait d’écrire ces mots me rend vaguement nauséeux  ; j’aimerais dire que c’est une blague, mais même pas.

La Rapé, ou Hosca (l’article semble plus décrire le mode d’administration que ce que la substance que nous avons prise) aura été vraiment dure pour moi la première fois, avec cette impression que j’allais tomber dans les pommes, l’impossibilité de bouger pour sans doute une heure et demie, l’absence de contrôle de mes muscles et les vomissements. Le jour suivant n’était pas très marrant non plus. Les fois suivantes se sont passées de mieux en mieux, bien que j’ai refusé le jour de notre départ. Les vibrations que l’on peut expérimenter peuvent être agréables et cette cérémonie peut vraiment aider à se sentir bien après un certains temps. Je plaisante en comparant ça à taper sa tête contre un mur  : ça fait du bien quand ça s’arrête. ;)

Cela dit, certaines personnes auront eu une expérience bien moins traumatique et je n’oublierai pas Dina qui pleurait tout en souriant, ou les câlins et gestes de support alors que nous traversions des expériences similaires.

J’ai juste une forte réaction au tabac, visiblement.

Une cérémonie un peu plus plaisante consiste à se faire caresse‑fouetter par des orties pendant qu’une personne, le Taita ou une personne de confiance, récite des mantras et qu’un mélange de plantes et d’encens brûle dans un encensoir autour de soi.

Mais plus important, nous nous sentions là‑bas dans un environnement où l’amour serait le protagoniste principal. Malgré la description horrible et pénible que je semble en faire, nous étions constamment accompagnés et supportés, avec comme autre soutien des colibris de passage virevoltant autour de nous pendant les moments de désespoir (lire «  en essayant de garder le contrôle pour ne pas rendre son déjeuner  »), ou des pajaros carpinteros (pic‑verts), des tucanitos ou encore des barranqueros (relojero, ou motmot) dans les arbres autour de nous.

J’ai pu voir passer nombres d’autres oiseaux durant ce mois et demi, dont de magnifiques oiseaux bleus (peut‑être des Évêques bleus) dans la Valle de Cocora, le Guacamaya sur la route vers le Taita et le constant ballet des gallinazos (Urubu noir) dans l’ensemble de la région.

La dernière expérience un peu étrange aura été le Yage, avec Dan le Sac Vs Scroobius Pip qui chantaient «  Waiting for the Beat to Kick In…  » («  En attendant que le rythme commence  » en français). J’avais le refrain dans la tête toute la journée, en attendant qu’il se passe quelque chose, car à part un vertige qui aura duré au maximum 5 minutes, je n’ai principalement rien vu ou ressenti.

Mais…

Je n’avais jamais vraiment pris le temps d’écouter ou lire les paroles de cette chanson, principalement parce qu’elles sont dites un peu rapidement pour moi, mais elles sont bizarrement très pertinentes par rapport à ce que j’attendais sur le moment. Elles retentissent aujourd’hui et je suis légèrement stupéfait (j’aime aussi les oxymores).


Je n’ai quasiment jamais vu les enfants de l’école de Barcelona Alta, mais le jour où je suis allé assister aux classes d’anglais et d’éducation physique restera définitivement gravé dans ma mémoire.

Tout commençait très bien avec des enfants apprenant quelques mots d’anglais comme des actions ou des fruits. J’avais amené le frisbee que Goulven m’avait donné l’an dernier pour l’occasion, en insistant bien auprès des enfants que nous ne devions pas jouer dans la cours de l’école car je n’avais aucune envie de finir sur le toit. Bien entendu, après être revenus de jouer au football et autres activités, un des enfants qui avait gardé le frisbee sur la chemin du retour l’a lancé sur un toit. J’ai donc fini à escalader, marcher prudemment sur le bord des plaques de fibro‑ciment (là où se trouve la structure, donc moins fragile) qui composaient la toiture, pour enfin atteindre le prix. Le retour s’est avéré plus aventureux, en partie dû à une autre trajectoire et à une plaque fissurée. Elle s’est effondrée sous mes pieds. L’expérience aura été assez effrayante et j’ai eu la chance que mes pieds trouvent l’un un mur porteur et l’autre la structure en métal de la toiture après avoir essayé de surfer sur les morceaux qui tombaient uns à uns. Cela m’a permis de ne pas tomber de cinq mètres de haut. Ouf  !

J’étais intact physiquement en majeure partie mais nous avions toujours à couvrir le toit avant la pluie quotidienne.

Je suppose que pour chacun, chaque jour est une opportunité d’apprendre une leçon, et j’espère que cela ne changera pas.

Merci à toute l’équipe de Futuro con Futuro et les bénévoles qui sont venus, partis ou restés pendant mon séjour. C’était incroyable et j’espère que je pourrais y retourner ou nous rencontrer de nouveau.

Il y aurait sûrement beaucoup d’autres histoires à écrire, mais je laisserai chacun d’entre nous se souvenir et les partager dans le future, peut‑être autour d’un gâteau…