Mon premier concert de Björk aura donc eu lieu à ShangHai, plus précisément au ShangHai International Gymnastic Center. C’est son premier concert en Chine territoriale, et éventuellement son dernier selon ce que déciderons les autorités.
Arrivé sur place une heure avant le début du concert, je me fais accoster comme n’importe qui par une nuée de vendeurs de billets à l’extérieur de la salle. Je passe mon chemin, billet bien en poche... vérifié, revérifié, il est là et ne me quitte pas.
Premier passage pour vérifier le-dit billet, vérification de l’authenticité par ultra-violets ; je pense à ceux qui auront acheté leur fake juste avant d’entrer et je me sens désolé d’avance.
deuxième passage avant de pénétrer dans l’arène quasi vide où je cherche ma place dans les gradins : Est, rangé 2 place 29.
Je suis super bien placé. Les yeux juste un peu au-dessus de la scène, quasiment au plus près de la scène que permettent les gradins. Même les gens dans la fosse sont moins bien placés, ayant pourtant payé quasiment deux fois le prix... Je suis assez content !
Je m’assoie et continue de lire mon premier livre issu de book-crossing, déjà bien entamé par les trajets en métro.
Le concert commence, des petits cris de chinoises en court d’évanouissement se propagent dans la salle et la féérie de cuivre débarque sur scène.
J’ai froid.
C’est vraiment con à dire, mais j’ai froid malgré le fait d’avoir gardé ma veste et la foule. Je frissonne même.
Peut-être à cause de cette chaleur que dégagent les policiers en képis gris disséminés dans la fosse, le faciès neutre et le regard vide. Ou peut-être est-ce cette rangée de chaises alignées sur le parterre central (oui, les places super chères, là...) qui me donnent cette impression de spectacle de fin d’année des élèves de maternelle vu à Vaulx-en-Velin il y a deux ans.
Earth Intruders pulse tandis que la foule assiste au déchaînement de Björk et son orchestre. Tout ceci manque de passion, pauvre Björk.
谢谢 lance t’elle a la foule qui rigolera un peu quand même au bout d’un moment, puisqu’elle le répète dès qu’elle le peut comme elle le peut, sans vraiment d’écho.
La chanson se termine ; applaudissements, et quelques gens se lèvent pour saluer l’artiste : ils se font remettre à leur place par les flics en faction. Ambiance.
Je suis froid froid froid... Björk enchaîne une série de chansons lancinantes et envoûtantes ; je frissonne de nouveau, mais ce n’est plus à cause du froid. Je suis complètement halluciné par ce petit bout de femme bourrée d’émotions à partager qui se donne sur scène, qui s’éclate comme elle peut face à une foule plutôt trop disciplinée.
Et puis BAM ! Army of me débarque. Les gens bougent enfin leur cul de leur chaise pour se mettre à danser malgré toute velléité de la part des forces de l’ordre de calmer le jeu. Elles se rendront finalement compte qu’elles ne servent à rien, avec si possible le sourire... Complètement dépassés qu’elles étaient.
Il lui a suffit de trois mots pour enflammer la salle : "Can you dance ?". A posteriori, oui, ça a bien dansé. :)
Le concert prend son envol, on s’éclate, elle s’éclate, tout fonctionne à merveille. Le froid initial fait place à un moment de pur bonheur.
J’ai été plusieurs fois halluciné par sa propre mise en scène, les moyens techniques ne sont pas à proprement parlé énorme (d’un point de vue du show), mais tout colle parfaitement à une humeur qu’elle veut transmettre, comme par exemple lorsqu’elle se place en tant que guru de sa cohorte sur Vertebrae By Vertebrae, les cuivres de Wonderbrass formant un arc de cercle autour d’elle qui entre en transe... Énorme, inoubliable.
Elle clos ce concert hallucinant par Declare Independance qui à la base ferait hurler n’importe quel chinois du gouvernement ; quand elle ajoute « Tibet ! Tibet ! » aux paroles, toutes les réactions ne sont pas unanimes, on s’en doute.
Je ne m’avancerai pas sur un jugement quelconque sur cette déclaration, je jubilais déjà lorsqu’elle a osé cette chanson, mais oser proclamer l’indépendance du Tibet lors d’un concert à ShangHai, je dis bravo ne serait-ce que pour la performance.
Pendant ce temps, des confettis volaient de toute part au-dessus des policiers en uniformes et saupoudraient leur joli képi gris de fines touches beiges. J’aurais rêvé avoir un appareil photo dans l’œil à ce moment là.
Lorsque la troupe quitte la scène, on peut apercevoir des expressions un peu confuses sur pas mal de visages.
Pour ma part, ce concert était tout simplement génial, et si j’ai l’occasion et la chance de revoir madame Guðmundsdóttir sur scène, je sais que je n’hésiterai pas une seconde.